lundi 14 février 2011

Proville et Cambrésis-Hommage à nos Poilus. Aujourd'hui, Cambrai (2)...


Au cimetière de la Porte de Paris à Cambrai :
l'hommage aux Combattants de 14-18


le document ancien (ADN série T) : 1842,
 au temps de Louis-Philippe,
40 ans avant les lois "Jules Ferry"...

E.Lepève née Dechy A Monsieur le Préfet du Nord



Rue des Carmes 46
Ville de Cambrai

Monsieur le Préfet

J’ai l’honneur de vous exposer que j’ai été victime d’un ressentiment de Monsieur le sous-préfet d’ici, lequel m’a forcée de demander ma démission au conseil d’instruction d’après ceci :

Monsieur le sous-préfet vint visiter ma classe en juillet dernier. Entre plusieurs questions qu’il adressa à mes élèves, il fit celle-ci : combien y a-t-il de pronoms dans la grammaire? Comme cette question n’existe pas dans celle de Lhomond*, que notre inspecteur Mr Carlier m’avait dit d’adopter, je dis à Monsieur le sous-préfet que j’avais l’honneur de lui observer que cette question n’était pas sur la grammaire que nous avions; il voulut s’en assurer lui-même et je lui en présentai une. Il vit son erreur et n’en convint pas; mais Monsieur Lenglet 1er adjoint présent dit que véritablement cette question était fausse. Là-dessus il prit son chapeau et partit en colère de ma classe. Quelques jours après les prix, le sous-préfet m’envoya chercher par Monsieur Lenglet pour me dire qu’il fallait donner ma démission volontairement, ou que je la recevrai sous peu de vous, parce que le sous-préfet vous avait écrit que je gérais mal ma classe; vous voyez Monsieur le Préfet que c’est son amour propre piqué qui m’a causé ce désagrément et non un autre motif. Il est très malheureux pour moi qui ai fait mon éducation à St-Denis**, où j’avais droit par mon père qui mourut Médecin en chef de l’armée d’Allemagne à la suite d’une épidémie qui régnait dans l’hôpital militaire.

Après ma sortie de l’école royale, je fus destinée par ma mère à ouvrir un pensionnat de demoiselles; je me rendis à Lille pour subir un examen, et sur vingt aspirantes que nous étions, je fus seule qui obtint un diplôme du 1er degré d’instruction que j’aurai l’honneur de vous présenter si ma présence est nécessaire à Lille. Je ne voudrais pas que l’on déplaçât la personne qui occupe ma place, mais je réclame de votre justice la réparation de ce désavantage que je n’ai nullement mérité par ma conduite ni par mon zèle auprès de mes élèves. Douai est une ville où il n’existe pas d’enseignement mutuel; pourrai-je espérer de votre bienveillance à m’y fixer, ou dans une ville désignée par vous?

Oserai-je Monsieur le Préfet espérer une réponse de votre bonté?

J’ai l’honneur d’être avec le plus profond respect, Monsieur le Préfet, votre très humble et très obéissante servante.

E.Lepève née Dechy
Cambrai, le 31 mars 1842


**http://fr.wikipedia.org/wiki/Maison_d'%C3%A9ducation_de_la_L%C3%A9gion_d'honneur

Nota : en annotation sur la première page de la lettre et signé : « Il y a eu sans doute d’autres faits que celui qu’elle rappelle. »

La question que chacun se pose : qu'est devenue cette dame livrée aux décisions de l'administration?









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