samedi 20 août 2011

Proville et Cambrésis : retour aux sources!

Georges MICHAUT fut instituteur à Proville de 1931 à 1961. Auteur d’une monographie de la commune non publiée (consultable au sein du fonds documentaire JC DEFER à la médiathèque de Proville) il s’est intéressé aux nombreuses sources qui font la richesse du terroir et à leur exploitation.

Voici un court résumé de la dite étude.

«Les sources sont au nombre de quatre :

·       La fontaine Saint-Benoît : elle se situe à quelques dizaines de mètres de la cité Bertrand (aujourd’hui résidence Bertrand) à droite de la route Cambrai-Proville (NDLR : rues Bertrand-Milcent et Fernand-Legrand), c’est-à-dire exactement en face de la station de  pompage.

·       Jean-Rasse : elle n’est en réalité qu’une des sources de la fontaine Saint-Benoît. Nous ignorons comment ce nom de Jean-Rasse a été attribué à l’une de ces sources. Jean Rasse, d’après Victor Delattre dans ses recherches sur la villa de l’abbé de Saint-Sépulcre, serait un descendant des seigneurs de Quiévy. Rasse de Quiévy, dit le Carpentier, était bailli du Caudrésis en l’an 1266.

·       Fontanette

·       Crépin (NDLR : dans la propriété des descendants de Pierre Joseph Bertrand-Milcent, autrefois « le Crocq », face à la rue des Archéologues à Proville)


Un premier projet d’adduction d’eau au profit de la ville de Cambrai vit le jour sous la Monarchie de Juillet. Il avorta. Un autre fut étudié en 1868 (le 22-10) par Monsieur Petit-Courtin maire de Cambrai et Monsieur Lermoyez ingénieur. Il concernait le captage des sources de Proville (Saint-Benoît, Jean-Rasse, Fontinette) enfermées dans les propriétés de Messieurs Couturier et Crépin. La plus importante de ces sources, bien que située dans les jardins de Monsieur Couturier, appartient au génie militaire qui consent à en faire l’abandon gratuit à la ville.


Il est intéressant d’ailleurs de faire remarquer que le débit de la fontaine Saint-Benoît qui s’élevait en juillet 1862 à 38 litres par seconde avait été jaugé à 37 litres par le génie militaire pendant les mois d’août et septembre 1845.


Ainsi, à dix-sept ans d’intervalle, le volume fourni par cette fontaine n’avait pas varié, et c’était une nouvelle preuve à ajouter à celles qui déjà établissaient et démontraient la pérennité des sources.


Peut-on exproprier au profit d’une commune une source dont le bassin est situé sur le territoire d’une autre commune? Telle est la question qui s’est posée dès le début, puisque, dans la circonstance, les eaux détournées sont comprises dans la circonscription communale de Proville.                      

Une ordonnance royale du 31 d écembre 1837 rendue au Conseil d’Etat a résolu cette question au profit de la ville de Dijon qui a été autorisée à exproprier pour son alimentation des sources situées à 5 kilomètres de son territoire.


Tout en haut à gauche, l'usine de pompage (plan Proville 1894)

Après la construction de l’usine de pompage pour amener l’eau aux Cambrésiens (pas vraiment potable), il fallut  réagir pour protéger les sources.


image "pompée" sur internet (oui, je sais, jeu de mot facile,
mais même cette machine ancestrale n'a pu être photographiée!)
Elle ressemble à une locomotive : elle a aspiré durant des décennies
pour l'envoyer aux Cambrésiens l'eau des sources provilloises.

Différentes mesures de protection furent édictées en 1909 et en 1924 qui avaient pour but l’amélioration du captage mais sans que la javellisation ne soit suspendue durant plusieurs années jusqu’au moment où le sol, profondément infecté par les colonies microbiennes, ait retrouvé son intégrité première par auto-épuration.

L’eau distribuée aux Cambrésiens s’étant révélée à l’analyse contenir des bactéries dangereuses pour la santé des usagers, la ville envisage d’étendre le périmètre de protection, et le conseil municipal provillois est saisi d’une nouvelle demande d’expropriation de terrains.

Le 4 janvier 1926, le conseil municipal de Proville émet un avis favorable au projet de captation d’eau de la ville de Cambrai, à condition…

Que la ville de Cambrai fournisse gratuitement et à perpétuité de l’eau potable pour tous leurs besoins aux habitants de la commune dont les puits viendraient à baisser à la suite des travaux en leur amenant à ses frais une canalisation en un endroit aussi commode pour eux que leur mode actuel d’alimentation en eau…

(NDLR : évidemment cette « naïve » et provocatrice requête ne sera jamais suivie d’effet).

La guerre 39-45 passe.
Mais à Cambrai, malgré la javellisation, on constate dans l’eau la présence de bactéries dangereuses et on fait appel aux spécialistes qui concluent à une augmentation nécessaire du périmètre de protection des sources.

Nouveau courroux du conseil municipal provillois : Sans contester l’utilité du projet, nous élevons une protestation contre l’expropriation envisagée qui aura pour résultat certain un nouvel appauvrissement des ressources communales déjà caractérisé par une expropriation de douze hectares de terres labourables en 1927 pour la même cause. La suppression des jardins ouvriers de la cité Bertrand portera un préjudice considérable à tous ses habitants.
La commune se trouvait donc devant la situation particulière suivante. Le terroir disposant de sources abondantes fournissait l’eau de consommation à la ville de Cambrai et celle-ci, pour assurer le bon état sanitaire de cette eau, expropriait sur ce même terroir 25 hectares de terre cultivable… »

(NDLR) Ainsi fut-il…

Les Cambrésiens se régalaient et se désaltéraient depuis pas mal de temps avec l’eau des Provillois. Quant à eux, il leur fallut attendre la fin des années 1950 pour pouvoir enfin voir couler à l’extrémité de leur robinet l’eau de leurs chères sources !


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